Photo : Damien Menut, vigneron à Thésée au bord du Cher, fait déguster son vin à deux visiteurs du salon « les Vins du coin », qui s’est déroulé au château de Blois le 2 décembre 2017. Crédits : Laurent Alvarez pour les Vins du coin.
On reprend l’année sur le bon pied, avec, dans cette seizième feuille vive, un reportage sur le salon des Vins du coin. Après avoir voyagé de l’espace Semprun aux anciens haras de Blois en passant par Chitenay, cette association de producteurs de vins biologiques et naturels (voir annexes ci-dessous) s’est installée le mois dernier dans le cadre prestigieux de la salle des conférences du château de Blois (photo).
Une occasion unique pour ces vignerons, qui exportent l’essentiel de leur production à l’international ou dans les grandes villes françaises. Engagés dans une démarche d’agriculture paysanne – réduction des intrants pendant la culture et la vinification, vendanges manuelles -, la vingtaine de vignerons qui compose les Vins du coin n’écoule pourtant qu’une partie minime de sa production en vente directe, et par circuit court en général. Une contradiction que souligne Julien Pineau – vigneron à Mareuil-sur-Cher – dans notre reportage. D’autres vignerons interrogés, comme Simon Tardieux de Thésée – présent au marché de Blois – et Cyrille Sevin de Mont-près-Chambord – présent à l’Amap d’Orchaise – tentent individuellement de renouer des liens avec leurs consommateurs.
Mais le salon des Vins du coin, qui présente les productions de 21 exploitations viticoles réparties dans les vallées du Cher, du Beuvron et du Loir, constitue une vitrine, certes ponctuelle, mais au retentissement important. Regroupés dans une association, ces vignerons aux pratiques de culture et de vinification semblables peuvent également s’entraider. Prêts de matériel, conseils, voyages d’étude, aide à l’installation, à la transmission, ou à la conversion en bio… Une coopération encouragée par les épisodes récents et répétés de gel printanier, qui ont grandement fragilisé les exploitations : récoltes amputées, réserves de vin au plus bas, investissements additionnels…
Lien : le gel, ses dégâts sur la vigne et les moyens de s’en prémunir
Nous avons parlé de plusieurs formes de circuits courts dans notre émission : épicerie de quartier, Ruche qui dit Oui !, Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne), ou même paniers vendus en comité d’entreprise. Les maraîchers sont au cœur de cette relocalisation de la consommation de produits agricoles et artisanaux, accompagnés des paysans-boulangers (qui cultivent leur grain et fabriquent leur pain), des brasseries locales et microbrasseries qui se multiplient, des éleveurs, etc. Malgré les contre-exemples évoqués plus haut, le vin reste relativement à l’écart de cette dynamique : le salon annuel des Vins du coin représentait une occasion unique de vous parler des vignerons de notre territoire !
Quelques éléments de terminologie :
Un « vin biologique » est un vin certifié « agriculture biologique », selon des critères européens. En viticulture, ces critères sont plus souples que pour d’autres productions. L’utilisation de produits phytosanitaires nocifs pour la vie du sol, comme le cuivre, sont par exemple autorisés. Qu’elle ait été menée en agriculture conventionnelle ou biologique, une ancienne parcelle de vigne est pour cette raison très difficile à remettre en culture.
Le « vin naturel » désigne à la fois des techniques de culture et de vinification particulières. L’appellation n’est soumise à aucune certification, mais plusieurs associations existent, avec chacune leurs critères d’appartenance. Dans le cas des Vins du coin, les vignes doivent être cultivées selon les critères de l’agriculture biologique (même si les vins eux-mêmes ne sont pas certifiés) et vendangées à la main. Du côté de la vinification, les intrants sont réglementés : pas d’acidification, pas de chaptalisation (rendre le vin artificiellement plus sucré), et des ajouts de sulfites limités à 40 mg par litre de vin rouge, 50 mg par litre de vin blanc. Une association comme les Vins S.A.I.N.S. (sans aucun intrant ni sulfite ajoutés) amène cette limite à zéro. L’ajout de sulfites aide à stabiliser le goût du vin, face aux changements de température ou de pression atmosphérique par exemple, et à conserver le goût du raisin tout au long de la fermentation.
En réduisant les intrants, la fermentation d’un vin naturel s’opère donc essentiellement par des « levures indigènes », c’est-à-dire par des micro-organismes déjà présents dans le raisin. Les vignerons cherchent souvent à faire ressortir le goût propre à leur cépage et à la composition de leur sol. Le résultat : des vins caractériels, au goût instable, mais originaux. Des « vins d’auteur », comme on peut le lire sur la page internet des Vins du coin, par opposition aux vins d’appellation plus standardisés.
L’appellation « vin biodynamique » est attribuée par des organismes de certification comme Demeter, qui impose des pratiques de culture plus strictes que l’agriculture biologique (division de la limite d’utilisation de cuivre par deux), des pratiques de vinification similaires aux vins naturels, et qui ajoute des techniques propres à l’agriculture biodynamique : utilisation de préparations pour stimuler la vie du sol, prise en compte de phénomènes cosmiques, notamment liés au cycle lunaire, dans le calendrier des travaux. La biodynamie connaît un succès croissant dans le monde de la vigne, même au sein de grands domaines, mais controversé du fait de ses pratiques et fondements ésotériques (l’anthroposophie de l’occultiste Rudolph Steiner). Elle se rapproche de l’agriculture paysanne, en ce qu’elle considère l’homme comme faisant partie de la nature qui le nourrit, et non comme l’exploitant de l’extérieur : sa priorité est donc d’entretenir ou d’accroître la fertilité du sol qui supporte sa ferme, et d’améliorer la résilience du territoire qui l’entoure.
Le reportage en podcast :
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