Photo : un producteur et une consommatrice à l’ouverture de la Ruche de la Providence à Blois, le 21 septembre 2017. Crédit : Nicolas Patissier pour Studio Zef.
Pour cette dixième émission de Feuilles vives, nous revenons sur la question des circuits courts, que nous avions abordé dès notre toute première émission, en compagnie de Thomas Grappy et de son épicerie du Petit jardin. Cette fois, nous nous sommes intéressés à la Ruche qui dit Oui !, un site de commerce en ligne qui permet de commander des produits alimentaires aux agriculteurs et artisans de sa région. Un reportage réalisé alors qu’une ruche ouvrait ses portes au lycée la Providence de Blois le mois dernier, la sixième du département.
D’un côté, la start-up Equanum, qui embauche 130 salariés et qui gère le site internet et la facturation. De l’autre des producteurs et des consommateurs. Entre les deux, une foule d’autoentrepreneurs ou d’associations en charge de chacune des 850 ruches ouvertes en France (plus de 1500 en Europe). Une commission de 16,7 % est perçue sur chaque transaction, répartie pour moitié entre l’entreprise Equanum et le responsable de ruche.
Au fur et à mesure de sa croissance rapide, la Ruche qui dit Oui ! s’est attiré les foudres des Amaps (Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne) et du réseau paysan, voyant dans ce système une perversion capitalistique du circuit court : des actionnaires comme Xavier Niel (Free), Marc Simoncini (Meetic) et Christophe Duhamel (Marmiton), des groupes d’investissement, de l’autoentreprise, un développement rapide à l’international… Le modèle, et l’absence de contrainte dans le choix des producteurs – entièrement à l’initiative du responsable de ruche, tant qu’il sont situés à moins de 250 km – ne satisfont pas les promoteurs d’une révolution de nos pratiques de production et de consommation.
Les défenseurs du modèle des ruches soulignent les avantages de celles-ci, notamment en termes de souplesse pour le client : choix des produits, pas d’abonnement ni d’engagement comme dans les Amaps. Certes, seuls 25 % des producteurs sont en agriculture biologique, mais la communication rodée de l’entreprise met en avant une « agriculture raisonnée » et des « produits fermiers ». Des termes qui ne coûtent pas cher d’employer, puisqu’ils ne recouvrent aucune réalité concrète.
Enfin, la Ruche qui dit Oui ! rejette cette image de suppôt du capitalisme en relativisant l’importance de ses actionnaires (les fondateurs du système restent majoritaires dans le capital), et en soulignant qu’Equanum a été reconnue « Entreprise solidaire d’utilité sociale » : son activité contribue au développement durable, en limitant le transport de marchandises sur longue distance. Un statut qui n’est pas aussi significatif qu’on pourrait le penser, au vu de la faible envergure de la loi « Économie sociale et solidaire » de 2014 : elle n’impose que la limitation des salaires les plus élevés (entre sept et dix fois le salaire minimum) et des dividendes (un maximum de 49 % des bénéfices reversés aux actionnaires), l’absence de cotation en bourse, et l’implication – seulement consultative – des salariés dans les décisions de l’entreprise.
Quoiqu’il en soit, la Ruche qui dit Oui ! contribue à rapprocher les producteurs d’un territoire et leurs consommateurs, notamment ceux qui n’ont pas accès aux autres formes de circuit court, ou qui ne sont pas prêts à sortir d’une relation commerciale classique, comme le propose le modèle de l’Amap. Ici, on sait ce qu’on achète, on ne paye pas à l’avance, et l’ensemble du système est sécurisé par un acteur économique traditionnel : l’entreprise. Comme le dit Anne-Sophie Castets, la maraîchère de notre reportage, c’est en multipliant ses formes et ses lieux que le circuit court pourra se développer.
Références :
Le site de la Ruche qui dit Oui !, et les pages des ruches d’Onzain et de Blois.
Plus d’informations sur la société Equanum, et les conditions d’obtention de l’agrément « Entreprises solidaires d’utilité sociale » (.pdf), défini par la loi « Économie sociale et solidaire » de 2014.
Bilan d’activité (février 2017) de la Ruche qui dit Oui ! (.pdf)
Interludes musicaux :
Hippocampe Fou – Émulsion oratoire
Earl Sweatshirt – Hive (Doris, 2013)
L’émission en podcast :
Podcast: Play in new window | Download
quel bel article, on y reconnait bien l’intention d’y opposer les gentilles AMAP laborieuses face aux producteurs capitalistes au service du grand Satan… de cette organisation… Qu’ai je à gagner à dire cela? Rien si ce n’est que votre devoir d’information est dépassé par votre désir de juger.
Par les temps qui courent au lieu de systématiquement opposer les Français les uns aux autres, peut être pourriez vous saluer toutes les initiatives qui visent à rapprocher producteurs et consommateurs, à renouer un dialogue oublié et à rémunérer un travail bien difficile….
Alors si des gens gagnent de l’argent grâce à ce système ce n’est pas un crime car je présume que Monsieur le journaliste que vous ne vous levez pas la matin pour la beauté du geste….
Bonjour, et merci de vos remarques !
Le texte ci-dessus constitue une présentation rapide de la société Equanum, de son modèle économique, de sa stratégie de communication, et du débat que l’émergence des Ruches a suscité chez d’autres représentants des circuits courts. Il ne me semble pas qu’il y ait d’informations erronées, mais toutes les corrections sont plus que bienvenues !
L’émission (dont le podcast est disponible au pied de l’article ci-dessus) parle plus en détails des Ruches d’Onzain et de Blois. Un reportage pour détailler le travail des responsables de ruche, et surtout des producteurs qui adaptent leur outil de production à cette forme de commercialisation originale et complémentaire d’autres formes de circuits courts.
Je ne vais pas résumer l’intégralité de l’émission. J’espère juste que vous prendrez le temps de l’écouter, et de constater que vos reproches sont bien infondés. Oui, nous montrons, soulignons, saluons le rôle de la Ruche dans le rapprochement des consommateurs et des producteurs : c’est précisément pour cela que l’on en parle ici. Cependant, ce n’est pas une raison pour accepter béatement le discours tenu par les communicants de la société Equanum : LÀ, on ne respecterait pas notre devoir d’information.
Au plaisir de continuer cette discussion si vos désaccords subsistent !
Bonne écoute !
Nicolas, animateur de Feuilles vives pour Studio Zef